•• Prologue
Vieille histoire
Le jour s'égare là-bas
dans la forêt triangulaire
au crépuscule
Les murmures de la soie
dans les soirs démarrés
Le trafic des corps
de la semence
Toujours buter sur la même chute,
la même faille, la même blessure
et y revenir sans cesse
Partout l'horizon vertical
D'autres ont levé le voile
il en viendra encore
Et du silence de la raison
filtrent des chants antiques
remontant du creux des os
du fond de la chair
Poussière de mots
La langue nue
dans le balancement vaste de la
marée
s'ajoure
Le saut, à la bordure...
et répéter encore et toujours inlassablement
<<... ce que l'homme a cru voir!>>
Point-Minuit du milieu de la nuit,
de la plus profonde noirceur
mais aussi de la plus transparente clarté
Vestiges vivants
vrillés dans l'instant infini
Mais ne nous leurrons pas... ce Minuit là n'existe pas... il n'est qu'une commodité de la pensée... qui tolère certains horizons à son territoire... pour autant qu'elle se réserve le pouvoir de les évacuer de tout son discours... sur ce qui lui échappe
C'est la lourde prison humaine
qui se referme sur elle-même
pour perpétuer son imposture
Voilà
nous attaquons tout près du cœur de la Nuit
regarde!
•• Minuit
Au loin, dans la profondeur nocturne des temps oubliés, il y aurait un pâle miroir qui renverrait l'image grotesque et nerveuse d'un couple enlacé
Cela se passerait à cet instant, dans cette chambre, avec le corps de cet homme et le corps de cette femme
C'était un geste absurde, un rite indestructible et qui se répétait éternellement : on aurait dit ces mots insignifiants et sacrés, on aurait agrippé de sa main une poignée de cheveux mouillés de sueur, un corps tressaillant
Il n'y aurait plus alors de pensée, plus d'action, plus de temps, plus de lieu
Il ne resterait plus que ce vertige, ce douloureux tourbillon prenant lentement possession de la chambre, du lit, de la matière, des deux corps étendus
Puis, tout se divisant en fragments, morceaux, morceaux de morceaux, éclats des lumières, particules tournoyantes, poussières de poussières, cette chaîne infinie irait s'engloutissant, de plus en plus vite, dans la gueule béante, l'horrible égout, qui efface jusqu'au nom même de toutes les choses
•• Immémorial
C'était simple d'être vivant. Il suffisait d'être là, debout sur la terre, en train de respirer, avec le soleil qui tapait sur la tête ou bien la pluie tombant goutte à goutte, et les yeux fixés vaguement sur quelque chose. Tout le reste suivait.
Nuit eau parole lumière couteau des lumières vents sables tam-tams feux vipères tombeau des lumières ruisseau des lumières allusions fuyantes déchirement des voiles silhouettes fission ouvertures réseau des lumières frôlement des limites puis allègement soudain et froissement d'ailes envol des nuées trou en avant obscurité plongée vitesse faisceaux des lumières cœur du cœur je suis dans le jardin je ne rentrerai jamais miroir squelette poudre d'os les remparts tombent se dissipent là pas très loin même un peu plus près encore oui ici exactement tous corps flottant à l'envers d'eux-mêmes lent mouvement de vrille tremblement léger à l'intérieur soleil rivage inversé fin de la terre cœur des marées radeau des lumières soleil soleil de la nuit soleil des litanies incompréhensibles clavecins hurlants cris du granit sang de la vigne cœur des cités cœur des avions nom du soleil lumière de la nuit suintement cathédrale vertébré supérieur -- Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles, Million d'oiseaux d'or, Ô future Vigueur? -- nuit eau parole lumière anneau des lumières pinceau des lumières pinceau des lumihihi pinceau hohohahaha hahahaha
•• Épilogue
De temps en temps la vie fait un saut, mais celà n'est jamais écrit dans l'histoire, et je n'ai jamais écrit que pour fixer et perpétuer la mémoire de ces coupures, de ces scissions, de ces ruptures, de ces chutes brusques et sans fond qui